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Travaux du chantier LHC au Point 6, caverne UJ68

A quoi sert la recherche fondamentale ? Conclusions

par C.H. Llewellyn Smith,
ancien Directeur général du CERN

J'ai présenté les arguments suivants :

  • La science fondamentale est très importante, économiquement et culturellement.
  • Elle doit être financée par les gouvernements, et être prioritaire sur la recherche appliquée ; les pays développés ne doivent pas la laisser à d'autres.
  • Les tentatives de « diriger » la recherche fondamentale sur la base d'objectifs économiques sont généralement vaines, et peuvent aller à l'encontre du but visé.

De 1945 jusque dans les années 80, la plupart des pays industrialisés ont été favorables au financement de la science fondamentale (1).

Durant cette période, les arguments avancés dans un rapport célèbre, publié en 1945 par un comité dirigé par Vannevar Bush, conseiller scientifique du président des Etats-Unis et intitulé Science – The Endless Frontier (Science - La frontière sans fin), étaient largement admis. Ce rapport soutenait que les dépenses consacrées à la recherche de base contribueraient, tôt ou tard, à la richesse, à la santé et à la sécurité nationale, et qu'il convenait de ne pas trop se soucier de la forme exacte que ces bénéfices pourraient prendre, ni de la date à laquelle ils pourraient se manifester. Cette opinion a prévalu durant les années 60, et le financement public de la recherche fondamentale a sensiblement augmenté en valeur réelle au fil des ans. J’estime cependant que l’on doit admettre qu'aux Etats-Unis, au moins dans les années 50, il était tacitement entendu que, si les gouvernements comblaient les scientifiques universitaires en finançant leurs recherches, ceux-ci, en échange, seraient prêts à apporter leur concours en cas de guerre, comme ce fut le cas durant la seconde guerre mondiale (le gouvernement Reagan tenta sans succès d'encaisser ce chèque tacite, quand il demanda un soutien pour l'initiative de la guerre des étoiles).

L'augmentation du financement de la science prit fin lorsque des pressions commencèrent à s'exercer sur les dépenses publiques et qu’il fallut justifier plus précisément leur emploi. Le Royaume-Uni fut l'un des premiers à subir ces pressions dans la seconde moitié des années 70. Virent ensuite les Pays-Bas pour des raisons différentes, à savoir le sentiment qu'il convenait d'accorder davantage d'importance aux sciences génératrices de bénéfices sociaux. Le modèle perdura plus longtemps en Allemagne et aux Etats-Unis, et ne céda que vers 1990. En Allemagne, le coût plus élevé que prévu de la réunification en fut la cause. Aux Etats-Unis, ce fut l’augmentation du déficit du budget fédéral, associée à la conviction que, comme le montrait l'expérience japonaise, les principes de base étaient viciés.

Aujourd'hui, dans pratiquement tous les pays de l'OCDE, un nouveau contrat social pour la science semble se faire jour. C'est ce qu'illustrent le Livre blanc britannique évoqué plus haut, ainsi que les exercices de prospective qui ont pour conséquence que les gouvernements n'investissent dans la recherche de base que si elle promet des bénéfices assez directs et spécifiques, sous la forme de création de richesses et d'amélioration de la qualité de vie.

J'ai soutenu qu'il s'agit là d'une mauvaise politique. Exiger que la recherche de base ne soit financée que si l’on peut en attendre des bénéfices définis, c'est non seulement se fourvoyer, mais peut-être aussi aller à l'encontre de l'objectif économique recherché. Pourtant, aucun renversement de tendance n'est perceptible, comme le montre la citation suivante d'un article publié dans Research Europe à la fin des années 90 :

« Quand les dirigeants des plus grands organismes de recherche d'Allemagne prirent l'initiative sans précédent, en janvier dernier, d'écrire une lettre ouverte au ministre fédéral de la Recherche lui enjoignant, ou peu s'en faut, de renverser la vapeur, on se demandait quel en serait l'effet. Est-ce que Jürgen Rüttgers persévérerait dans ses plans tendant à restreindre le financement de la recherche fondamentale, et orienterait davantage de crédits vers des recherches axées sur des priorités économiques, ou bien écouterait-il l'appel de la communauté des chercheurs allemands et ferait-il marche arrière ? La réponse est maintenant claire. Rüttgers n'a pas modifié son cap d'un iota pour satisfaire la Deutsche Forschungsgemeinschaft et ses alliés scientifiques. »

Pour autant, nous ne devons pas baisser les bras. Comme l'écrit sagement l'auteur de Science – The Endless Frontier : « Lorsqu'on la presse de produire des résultats immédiats, et à moins que des mesures délibérées ne soient prises pour se prémunir, la science appliquée éclipse invariablement la science pure ». Si, comme moi, vous croyez passionnément à la valeur de la science pure, soyez vigilants.

Remerciements

Je remercie Paul David, John Ellis et John Mulvey de leurs observations, ainsi que John Kay, avec qui j'ai écrit l'article (ref.1) sur lequel s'appuient certaines parties du présent texte.

 

Note: Certaines parties des trois paragraphes suivants sont des citations presque directes de (ref.4).

 

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