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L'une des premières sessions du Conseil du CERN, février 1955, Genève

A noble cause

François de Rose, diplomate français, fut dès les premiers instants impliqué dans la création du CERN. Il fut président du Conseil du CERN de 1958 à 1960, période durant laquelle il prépara l’extension du Laboratoire sur le territoire français. Plus de cinquante ans après, il conserve un souvenir précis des premières discussions qui furent à l’origine de la création du Laboratoire et auxquelles il prit part. » 

François de Rose« Le CERN est l’une des réalisations auxquelles je suis le plus fier d’avoir contribué. Je reste très attaché à cette institution non seulement parce que je m’y suis fait beaucoup d’amis mais aussi pour la noblesse de sa cause.

Les premiers jalons du CERN furent posés aux Etats-Unis entre 1947 et 1949. Je représentais alors la France à la Commission des Nations Unies pour le contrôle international de l’énergie atomique, où siégeaient des diplomates et des scientifiques. C’est là que je rencontrai Robert Oppenheimer avec lequel je me suis lié d’amitié. Comme de nombreux scientifiques américains, il avait été élevé dans l’aura de la science européenne. Il avait notamment travaillé dans le groupe de Niels Bohr. Au cours de l’une de nos rencontres, il me dit en substance ceci : « Ce que nous savons, nous l’avons appris en Europe. Mais désormais la recherche fondamentale en physique va exiger des moyens considérables qui ne seront pas à la portée des pays européens seuls. Il faut que vous vous groupiez pour construire ces grandes machines qui vont devenir nécessaires. Il serait malsain que les Européens soient obligés de se rendre aux Etats-Unis ou en URSS pour poursuivre leurs recherches fondamentales. » J’ai trouvé l’idée passionnante et j’ai organisé des rencontres entre Robert Oppenheimer et les conseillers scientifiques français de ma commission, Pierre Auger, Francis Perrin, Lew Kowarski et Bertrand Goldschmidt.

En 1949, de retour en Europe, nous avons entrepris avec Francis Perrin une tournée des capitales européennes pour voir quelles réactions suscitait l’idée d’Oppenheimer. Nous nous sommes heurtés à un manque d’intérêt : les scientifiques craignaient qu’un grand centre de recherche n’absorbe tous les crédits et ne tarisse les ressources de leurs propres laboratoires. Ils se trompaient puisque, à partir du moment où il y a eu l’appel d’air du CERN, les crédits de recherche ont augmenté. De surcroît, les gouvernements n’avaient aucune idée de ce dont il s’agissait : lorsqu’ils entendaient « recherche atomique » ils pensaient à la bombe et craignaient que ce ne soit très mal vu par les Américains. Enfin, la présence de Frédéric Joliot-Curie à la tête du Commissariat à l’énergie atomique français, membre éminent du Parti communiste, suscitait des réserves des autres scientifiques européens. Notre mission n’a donc pas abouti. Mais l’idée avait été lancée. Et l’intervention d’Isidor Rabi, au Congrès de Florence, dénoua la situation.

Le CERN fut créé pour que les Européens ne soient pas obligés de se rendre aux Etats-Unis. Aujourd’hui, il attire des Américains en Europe pour travailler sur ses machines. Je ne pense pas qu’Oppenheimer ait prévu cela. Mais je trouve ce retournement de situation extraordinaire. »