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Techniciens du laboratoire de microconnexion

A quoi sert la recherche fondamentale ?
Pourquoi les gouvernements doivent-ils financer la science fondamentale ?

par C.H. Llewellyn Smith,
ancien Directeur général du CERN

Le financement de la science fondamentale est important pour la société dans son ensemble, mais il ne présente pas d'intérêt pour un investisseur individuel. Les auteurs de découvertes fondamentales n'en récoltent généralement pas les bénéfices (les lois de la nature ne peuvent être protégées et les applications sont trop imprévisibles et mises en œuvre à trop longue échéance) et les retombées pour la culture ou l'éducation n'engendrent pas de profits immédiats.

Les héritiers de Newton (s'il en avait eu) seraient riches si l’on avait pu breveter le calcul infinitésimal, car ils percevraient des redevances chaque fois qu'il est utilisé. Cependant, les lois mathématiques ne sont pas brevetables.

Bien peu de scientifiques ont la faculté de prémonition de Faraday qui, à la question de Gladstone « A quoi peut servir l'électricité ? » répondit « Un jour, sir, vous pourriez la taxer ». Par contre, Rutherford, qui a découvert le noyau, affirmait jusqu’au milieu des années 30 : « Quiconque compte tirer de l'énergie de la transformation des atomes croit à des sornettes ».

La mécanique quantique est à la base de l'électronique moderne et des lasers mais, même considéré avec du recul, l'investissement dans la recherche qui a abouti à la mécanique quantique n'aurait pas été rentable commercialement : les connaissances sous-jacentes ne pouvaient pas être brevetées, le décalage temporel a été trop long et les résultats étaient trop aléatoires.

Ainsi, l'investissement dans la science fondamentale ne présente aucun intérêt pour une entreprise seule, mais il est très important pour la société dans son ensemble. La science fondamentale est ce que les économistes appellent un « bien public ». Les biens publics, comme les phares et la défense nationale, ont un coût de production élevé, mais, une fois créés, ces biens sont automatiquement, de par leur nature, à la disposition de tout un chacun, y compris de ceux qui ne souhaitent pas les financer.

D'une façon générale, ces biens ne peuvent probablement être financés que collectivement par les gouvernements.

Les gouvernements doivent soutenir la science fondamentale pour les profits que la société en retirera sous forme de connaissance directe, de retombées industrielles, de formation et d’apports culturels. Chaque fois qu'un profit est clairement prévisible, l'industrie investit et le gouvernement peut se tenir à l'écart, même s'il peut aussi jouer un rôle, par exemple en encourageant les contacts et la collaboration entre les industries et les universités. Une grande part de la recherche appliquée est, par conséquent, du ressort de l'industrie. Cependant, la situation n'est pas nettement tranchée, puisqu'on ne peut pas toujours prévoir si un projet de recherche appliquée entraînera des profits directs ; par exemple, la recherche sur une maladie cardiaque peut aboutir à la création de médicaments brevetés, ou bien à la prescription d'un meilleur régime alimentaire et d’une activité sportive accrue. En outre, la recherche appliquée dans des domaines tels que l'environnement ou les transports doit, de toute évidence, être financée par des fonds publics.

Cette analyse m’amène à poser deux questions :

  • Si le financement n'est pas rentable à l'échelon individuel, l'est-il à celui d'un pays ?
  • Comment choisir les projets à financer, et comment déterminer les montants à investir ?

La première question appelle plusieurs réponses. Premièrement, j'estime que les pays développés ont le devoir de financer la science fondamentale dans l'intérêt de la société tout entière. Deuxièmement, une recherche fondamentale active soutient et nourrit le développement technologique. Le rôle de la recherche dans la formation de scientifiques qui poursuivent leur activité dans l'industrie, et dans la création de réseaux, est extrêmement important. La proximité géographique des centres de recherche offre certains avantages pour l'exploitation de leurs résultats et des retombées, et il est plus que probable que les entreprises exploitantes s'installent dans le voisinage. Ce n'est pas un hasard si la Silicon Valley est proche de l'Université de Stanford, ou si un énorme essaim de sociétés de haute technologie s’est constitué près de Boston (il n'est malheureusement pas aussi facile de trouver de tels exemples en Europe, en raison du moindre développement de l'esprit d'entreprise dans les universités et les centres de recherche européens).

J’aimerais citer ici l’exemple du Japon.

 

Note: Si les résultats de la recherche scientifique fondamentale sont en général mis à la disposition de tous, l'assimilation des publications scientifiques et l'exploitation des découvertes scientifiques passent par des spécialistes extrêmement qualifiés. Dans ce sens, les résultats de la science fondamentale ne sont pas un « bien public gratuit ». J'estime néanmoins que le bénéfice global (apports de la recherche, retombées, formation de base nécessaire à l'exploitation des résultats, etc.) est un bien public.

 

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