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Photo : Peter Ginter

A quoi sert la recherche fondamentale ? Peut-on rester passif ? Quelles leçons tirer de l’exemple japonais ?

par C.H. Llewellyn Smith,
ancien Directeur général du CERN

On a commencé à se demander si la recherche fondamentale pouvait être laissée à d'autres dans les années 80, en particulier aux Etats-Unis, à une époque où de nombreux marchés reposant sur un substrat scientifique fertile ont été perdus au profit du Japon, notamment dans des domaines très pointus comme les mémoires dynamiques à accès aléatoire. On s'interrogeait même, alors, sur la capacité de survie de l'industrie américaine des semi-conducteurs. Le Japon (avec Singapour, Hong Kong et la Corée du sud) était souvent cité comme un pays très performant économiquement, qui avait remporté des marchés de haute technologie, en finançant la recherche appliquée et le développement de produits plutôt que la recherche fondamentale.

En réalité, l’industrie américaine des semi-conducteurs n'a pas péri, et, pendant que certains prédisaient son extinction, des chercheurs américains créaient de nouveaux marchés révolutionnaires en biotechnologie, multimédia, logiciels informatiques et communications numériques, etc. Dans le même temps, l'économie japonaise connaissait pour sa part un déclin relatif à partir de 1989.

Quoi qu’il en soit, le gouvernement japonais n'a nullement l'intention d'abandonner à d'autres la recherche fondamentale et le plan de base pour la science et la technologie, publié en 1996, prévoyait un accroissement de 50% du financement de la science jusqu’en 2001 (même si le taux initial d'accroissement n'a pas été maintenu). En outre, les arguments antérieurs reposant sur la comparaison des niveaux d'investissement dans la R & D en pourcentage du PIB aux Etats-Unis et au Japon ont été réexaminés (ref.17). Les données suivantes :

Etats-Unis

2.7% (53% privé): en grande partie pour la défense, 0,5% pour la recherche fondamentale

Japon

2.9% (81% privé - plus que les Etats-Unis en chiffres absolus): peu pour la recherche fondamentale

avaient été utilisés pour affirmer que l'investissement japonais, plus important dans la science appliquée et la technologie, était à l'origine du succès économique du Japon dans les années 80. Cependant, le montant total de l'investissement non résidentiel de capitaux, ramené en pourcentage du PIB,

 

1980

1990

Etats-Unis

13%

10%

Japon

15%

19%

suggère une conclusion différente (voir tableau). Les facteurs qui alimentent la croissance économique sont l'approvisionnement en travail et l’approvisionnement en capital. Les marchés du travail ayant été stables, on pourrait s'attendre à ce que la croissance soit proportionnelle au total des investissements, c’est-à-dire, sur la base des chiffres ci-dessus, une fois et demie plus élevée au Japon qu'aux Etats-Unis. Pourtant, le taux de croissance soutenu est estimé à 3% au Japon contre 2,5% aux Etats-Unis.

Il semble donc que l'économie japonaise soit sensiblement moins efficace que celle des Etats-Unis (de même, à Singapour par exemple, la croissance a été trois fois supérieure à celle des Etats-Unis, alors que l'investissement y était quatre ou cinq fois plus élevé). On a même suggéré, en prenant le contre-pied de l’argument traditionnel (ref.17), que l'inefficacité relative de l'économie japonaise était due au fait qu'une moindre importance est accordée à la recherche fondamentale et que les universités japonaises ont un niveau moins élevé que celles des Etats-Unis!

Cet argument n'est pas particulièrement convaincant – maints autres facteurs macro-économiques entrent en jeu, notamment le fait que la banque nationale du Japon est allée jusqu’à damer le pion à la Bundesbank en refusant de relancer l'activité en période de récession). Il n'en reste pas moins que l'exemple du Japon ne tend pas à démontrer qu’il est profitable de réduire le financement public des universités ou d’accorder une moindre importance à la recherche fondamentale.

 

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