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La grande salle informatique du CERN en 1978

De l’utilité des ordinateurs

Paolo Zanella a rejoint le groupe informatique du CERN en 1962, tout juste trois ans après l’arrivée du premier ordinateur. Il a dirigé par la suite la division du Traitement des données, pendant treize ans, avant de devenir professeur à l’Université de Genève.

Paolo Zanella« Lorsque je suis entré au CERN, j’ai été chargé d’identifier les problèmes et de les résoudre, mais également d’essayer de convaincre les physiciens de l’utilité des ordinateurs. Quelques jours à peine après mon arrivée, Lew Kowarski, qui dirigeait à l’époque la division du Traitement des données, m’a envoyé voir Carlo Rubbia. Je devais persuader ce « futur Prix Nobel », selon les termes de Lew Kowarski, d’utiliser l’IBM 709 qui venait d’être installé. L’accueil que me réserva Carlo Rubbia fut glacial : les physiciens n’avaient besoin ni de cette machine, ni de moi. Mais il m’a quand même rappelé pour suggérer quelques essais. Finalement, il a été l’un des premiers à adopter l’informatique, qu’il utilisa largement et avec succès tout au long de ses brillants travaux expérimentaux, au CERN comme ailleurs.

Je fus nommé à la tête de la division en 1976, avec pour mission d’enrayer la crise qu’elle traversait. Nous avions des ordinateurs puissants mais peu fiables et nous avions vécu quelques catastrophes avec nos logiciels. Les physiciens étaient furieux. Mais, après quelques années, ils furent satisfaits des changements. La division avait gagné leur respect.

Nous avons fourni d’excellents services tout en pilotant le développement de notre domaine. Toutefois, les relations avec les chercheurs n’ont jamais été faciles. Dans les années 70, lorsque nous demandions de l’argent pour développer les réseaux, ils ne voyaient pas « pourquoi deux ordinateurs pouvaient souhaiter dialoguer ». Par la suite, le câblage des bâtiments et l’avènement des stations de travail ont également rencontré une forte opposition. Les technologies de l’information (IT) ont finalement envahi tous les étages où des expériences étaient menées, ainsi que les bureaux des ingénieurs et des administrateurs. À la fin de ma carrière, l’invention du World Wide Web fit du CERN l’un des sites de recherche scientifique les meilleurs et les plus avancés au monde en matière de technologies de l’information.

J’ai beaucoup appris de ma formation au CERN, et pas uniquement sur le plan technique. C’est là que j’ai acquis le courage de m’attaquer à l’impossible et de gagner. J’ai vécu l’un des demi-siècles les plus passionnants de la physique des particules. Et c’est maintenant en biologie, dans le domaine biomédical et pharmaceutique, que l’intégration des technologies de l’information à la recherche expérimentale pose les mêmes problèmes. Au CERN, j’ai appris quelques questions de base qui peuvent s’appliquer à tout : A quoi cela peut-il servir ? Pourquoi en avons-nous besoin ? Est-ce que cela va fonctionner ? J’ai compris également que si vous produisez quelque chose d’utile qui fonctionne, ce sera sans nul doute acclamé et adopté.

Dans les années 60, l’informatique existait, mais personne ne savait qu’en faire. De son côté, la science poursuivait sa marche. Et ces deux mondes ont dû se rapprocher pas à pas. Les technologies de l’information forment une machine universelle qui peut beaucoup pour la science et la civilisation. Les technologies de l’information et la physique des particules ont connu des courbes de croissance très semblables depuis cinquante ans. Elles se sont mutuellement poussées et transformées. J’ai eu beaucoup de chance de passer la majeure partie de ma vie au croisement de ces deux disciplines passionnantes. »