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Le tunnel du LEP

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Herwig Schopper arriva au CERN au début des années 70 pour diriger la division de Physique nucléaire. Il présida ensuite pendant plusieurs années le directoire du centre de recherche nucléaire allemand DESY. Il fut directeur général du CERN de 1981 à 1988, période durant laquelle le grand collisionneur électron-positron (LEP) fut approuvé et construit.

Herwig Schopper

« Ma première expérience personnelle liée au LEP fut un examen rigoureux auquel me soumit le comité du Conseil. L’une des délégations était opposée à ma nomination, craignant que je favorise le site allemand de DESY pour le LEP aux dépens du CERN. Je m’expliquai sur mes intentions, après quoi le délégué en question reçut de nouvelles instructions par téléphone pendant la pause café et je fus élu à l’unanimité ; la procédure d’approbation du LEP pouvait commencer.

Alors que l’approbation du LEP était encore incertaine, Margaret Thatcher visita le CERN. A son arrivée, elle m’informa qu’elle voulait être traitée comme collègue scientifique et non comme Premier ministre. Elle me surprit en me demandant pourquoi nous avions l’intention de construire une machine circulaire plutôt que deux collisionneurs linéaires frontaux, question fort pertinente démontrant que sa visite était extrêmement bien préparée.

Savoir laquelle de ces deux options est la plus favorable pour une énergie de faisceau donnée est une question d’optimisation délicate. Je lui expliquai que dans le cas du LEP, une machine circulaire était plus intéressante financièrement. Elle accepta mon argument et me demanda quelle serait la taille du tunnel du prochain projet. Comme je lui répondais que le tunnel du LEP serait le dernier anneau du CERN, elle me répliqua : « Pourquoi devrais-je vous croire ? Lors de ma première visite au CERN, John Adams m’avait dit que le tunnel du SPS serait le dernier. » Toutefois, lors d’une conférence de presse elle déclara qu’elle avait été convaincue que les fonds du CERN étaient utilisés à bon escient et le Royaume-Uni approuva le projet.

Au début, le LEP se heurta à une importante opposition des populations environnantes. Nous découvrîmes que cela était dû à une absence d’information car beaucoup de gens pensaient que le « N » de CERN avait un lien avec l’énergie nucléaire. Pour améliorer la situation, un grand nombre de cadres du CERN passèrent un temps considérable à réaliser des présentations dans tous les villages voisins.

Toutefois, je m’inquiétai particulièrement lorsque Denis de Rougemont, écrivain suisse de renom, publia des articles stipulant que le LEP était inhumain, gigantesque et n’était pas nécessaire à la société. C’était surprenant car Denis de Rougemont avait fondé juste après la guerre le Centre européen de la culture, où des hommes politiques discutèrent de la manière dont les scientifiques européens pourraient réapprendre à collaborer de manière pacifique. Cette initiative politique, peu connue, était l’un des éléments qui avaient conduit à la fondation du CERN. J’invitai donc Denis de Rougemont à déjeuner pour m’entretenir avec lui de ses objections. Finalement, nous parvînmes à résoudre les difficultés et je lui promis d’expliquer le rôle essentiel qu’il avait eu dans la création du CERN au cours d’un débat public.

Nous avons toujours essayé de baser nos décisions sur des arguments rationnels. Toutefois, lorsqu’il fallut décider de l’emplacement des deux expériences ALEPH et DELPHI cette méthode échoua. Nous décidâmes donc de jouer cette question à pile ou face, lors d’une réunion du Directoire, en présence des deux porte-parole, Jack Steinberger et Ugo Amaldi. Après avoir lancé la pièce, Jack, en expérimentateur consciencieux, vérifia que la pièce avait bien deux côtés différents. »