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Premier événement Z observé par UA1

Une merveilleuse aventure

Le nom de Carlo Rubbia est étroitement lié à la découverte des bosons W et Z au CERN. En 1984, il reçut, avec Simon van der Meer, le prix Nobel de physique pour son travail à la tête de l’expérience UA1 qui réalisa cette découverte. Son mandat de directeur général du CERN, de 1989 à 1993, fut marqué par l’inauguration du grand collisionneur électron-positon (LEP) et par les premiers résultats des quatre expériences de cet accélérateur.

Carlo Rubbia« Je suis venu au CERN pour la première fois au début de 1960. Près de quarante-cinq ans plus tard, je suis toujours aussi motivé et enthousiasmé par cette coopération interna-tionale institutionnalisée, comme lors de mon arrivée, époque où ce concept novateur, si populaire à présent, était quasiment inconnu. Le CERN a été créé par un groupe remarquable de pères fondateurs, alors que l’Europe s’apprêtait à retrouver la prospérité. L’objectif était de promouvoir la science pure à l’échelle européenne et, après les désastres de la Seconde Guerre mondiale, d’instaurer la confiance entre des personnes de pays, traditions et mentalités différentes.

Pour nous, le CERN s’est révélé un extraordinaire « creuset » où se rassemblèrent un grand nombre de jeunes et remarquables talents, venus de beaucoup de pays différents. Vivant ensemble – pour ainsi dire sous le même toit – et avec des ressources appropriées, nous avons pu fonctionner dans un climat unique d’absolue liberté scientifique, avec un enthousiasme et une motivation considérables. Nous avons été tous témoins du fait que l’efficacité d’une équipe est bien plus importante que la somme des contributions de cha-cun de ses membres.

L’originalité de la communauté des accélérateurs du CERN est apparue d’emblée, lors-que John Adams, alors dans la trentaine, et la remarquable équipe qu’il avait mise en place, ont réalisé le premier accélérateur de protons à focalisation forte. Il a eu le courage d’annuler le projet de 10 gigaélectronvolts (GeV) à faible focalisation, pourtant déjà ap-prouvé, et d’opter pour un synchrotron à protons de 25 GeV totalement novateur. L’aventure suivante fut la mise en place des anneaux de stockage à intersection, les ISR, qui ont servi de « référence » pour tous les projets ultérieurs et qui ont pu exister grâce à la vision du directeur général de l’époque, Viki Weisskopf.

Toutefois, rétrospectivement, les résultats de physique furent probablement en deçà de ce qui pouvait être escompté, essentiellement à cause du choix d’instrumentations mal adap-tées à l’époque. Mais les nombreuses innovations en matière d’accélérateurs réalisées avec les ISR permirent au SPS d’être bien plus perfectionné que l’accélérateur de Fermi-lab, aux Etats-Unis, une machine assez classique.

Excellent accélérateur, le SPS possédait toutes les caractéristiques pour être par la suite rapidement transformé en collisionneur. Tout ce qui manquait était une source de protons « industrielle », à une époque où même la production d’une poignée d’antiprotons était déjà considérée comme une prouesse. Il fallait surmonter le théorème dit de Liouville et approfondir les premières études réalisées aux ISR par Wolfgang Schnell et Simon van der Meer. L’enthousiasme était tel qu’il fal-lut moins de deux ans pour construire ce joyau qu’est l’accumulateur d’antiprotons !

La merveilleuse succession de nouveaux accélérateurs, d’abord le SPS puis plus tard le grand collisionneur électron-positon, a été complétée d’un nombre de technologies pour les expériences tout aussi révolutionnaires, comme les chambres à fils et les chambres à dérive, le calorimètre (Herwig Schopper) et d’autres encore. Sans ces instruments, les grandes découvertes réalisées dans notre domaine n’auraient été possibles. C’est la raison pour laquelle Georges Charpak a bien mérité son prix Nobel.

La découverte des bosons W et Z, rapidement reconnue par le Comité Nobel, était pour ainsi dire la partie émergée de l’iceberg, préfaçant une aventure merveilleuse et unique à laquelle contribuèrent énormément de remarquables personnes de tant de pays différents, dont beaucoup malheureusement ne sont plus parmi nous. Pour évaluer l’importance de ce qu’ont pu accomplir les équipes du CERN, il suffit de rappeler que durant un quart de siècle – et probablement jusqu’à ce que le grand collisionneur de hadrons (LHC) prenne le relais – les recherches menées dans le monde sur les hadrons à haute énergie auront été dominées par deux collisionneurs proton-antiproton : le premier entièrement mis au point au CERN et le deuxième, doté d’une énergie plus poussée, le tevatron de Fermilab.

Nous avons pris beaucoup de plaisir à vivre cette époque du CERN et nous sommes fiers de ce que nous avons pu accomplir. Le temps d’un changement de génération est venu et un nouveau CERN est désormais en place. Pour citer Simon van der Meer: « S’ils ont une idée, pour folle qu’elle soit, surtout qu’ils la vérifient. Une fois sur cent, cette idée se révélera être une bonne idée. »

From the book Infinitely CERN: memories from fifty years of research +++