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R. Zennaro et P. Berra devant un module prototype du LIBO, un projet d'accélérateur linéaire pour la thérapie des cancers

La physique qui aide à guérir

Ugo Amaldi était déjà un physicien des particules reconnu du CERN lorsqu’il décida d’œuvrer pour promouvoir en Europe la création d’un réseau de centres de traitement du cancer par faisceaux d’ions, et notamment d’ions carbone.

Ugo Amaldi« Mon intérêt pour la physique médicale remonte à la fin des années 50, lorsque j’ai commencé à travailler à l’Institut italien de la santé, l’ISS, à Rome. Je suis entré à l’ISS plutôt que de me lancer dans la carrière académique parce que mon père, Edoardo, physicien bien connu et l’un des fondateurs du CERN, enseignait à Rome depuis 1937 et que j’ai voulu me démarquer de lui. À l’ISS, j’ai réalisé des expériences de physique nucléaire et de physique des particules. J’ai travaillé également à temps partiel en physique des radiations et en radiothérapie, sujets qui me plaisaient beaucoup. De 1968 à 1973, j’ai dirigé un groupe de physicien de l’ISS qui travaillaient au CERN. Après une expérience couronnée de succès sur les anneaux de stockage à intersections (ISR), un poste à plein temps me fut offert. De fil en aiguille, j’ai initié DELPHI, l’une des grandes expériences du LEP, dont je suis devenu le porte-parole.

En 1991, après les premiers résultats et un article largement cité sur l’unification supersymétrique des forces fondamentales, DELPHI fonctionnait très bien. Mais je me demandais ce que j’allais bien pouvoir faire ensuite. J’avais 57 ans, je savais que je ne pourrais mener une expérience lorsque le LHC serait mis en service. Je souhaitais néanmoins travailler dans un domaine d’avant-garde de la physique. J’ai donc décidé de revenir à la physique des radiations.

L’idée de recourir à la physique pour aider à soigner les gens me plaisait toujours. En 1991, j’ai donc rédigé une proposition de traitement du cancer utilisant des faisceaux d’ions carbones (et de protons), mode de traitement que l’on appelle désormais la thérapie par hadrons. Un an plus tard, j’ai créé la Fondation Tera afin de recueillir des fonds pour financer le personnel travaillant à la conception de centres de traitement, avec l’aide de l’Institut italien de physique nucléaire, l’INFN.

À l’époque, et encore maintenant, les cancers étaient essentiellement traités par radiothérapie avec des rayons X. Mais des centres spécialisés dans les protons étaient aussi en construction. Je me suis intéressé aux résultats obtenus par le Laboratoire Lawrence de Berkeley aux États-Unis et aux articles rédigés par Gerhard Kraft, du laboratoire allemand GSI. Environ 10 % des tumeurs traitées aux rayons X se révèlent résistantes à ces rayons ainsi qu’aux protons. Il semblait toutefois que ces tumeurs récalcitrantes pouvaient réagir à un bombardement de noyaux d’atomes de carbone. Un noyau de carbone dépose 24 fois plus d’énergie dans une cellule qu’un proton. Les faisceaux de carbone sont donc efficaces pour lutter contre les tumeurs radiorésistantes, telles que les tumeurs du cerveau, des poumons et du foie.

Fin 1995, j’ai réussi à éveiller l’intérêt de la direction du CERN pour mettre au point un synchrotron à ions optimisé pour une telle application médicale. Cette proposition a abouti au projet PIMMS, l’étude d’un équipement médical à protons-ions. Physiciens et ingénieurs du CERN, de Tera et du projet autrichien MedAustron ont travaillé durant quatre ans sur ce projet. Parallèlement, avec Tera, j’ai proposé au Gouvernement italien de financer un centre de traitement fondé sur une version améliorée du synchrotron PIMMS, désormais baptisé projet PIMMS/Tera. La réalisation de ce centre impliquant un investissement de quelque 70 millions d’euros, l’idée fut difficile à faire accepter. Mais le Gouvernement italien a fini par apporter les fonds en 2002. Ce centre est actuellement en construction à Pavie, à 30 kilomètres au sud de Milan, avec comme maître d’œuvre la fondation CNAO, constituée de cinq grands hôpitaux ainsi que de Tera. L’INFN assume la responsabilité conjointe de la construction de l’accélérateur.

J’ai quitté le CERN en 1999 et j’enseigne à présent la physique médicale à l’Université Bicocca de Milan. Je reste en contact étroit avec le CERN puisque j’ai démarré un nouveau projet (fondé sur de nouveaux accélérateurs linéaires pour la thérapie par hadrons) et que l’expertise du CERN est précieuse lorsqu’il s’agit de mettre au point de nouveaux instruments. »